Entrevue avec LITTLE LOUIS VEGA, la moitié des MAW par LUST
LUST :
Les productions MAW sonnent définitivement plus "latines"
qu'auparavant. Est-ce que Nuyorican Soul a changé votre
conception de la house?
LITTLE L.VEGA :
Ce n'est pas le cas pour toutes nos productions, mais il est clair
que nous avons donné à plusieurs projets cette atmosphère
latine comme le "Pienso En Ti" avec Louis Salinas, par
exemple. Mais, lorsque tu écoutes des morceaux comme le
Luther Vandross ou le Kenny Latimore, sur lequel nous travaillons
actuellement, je qualifierais ce genre de production de "house-R&B".
Notre style est très varié, tout dépend du
vibe du moment. En ce qui concerne le Nuyorican Soul, nous avons
évidemment apporté beaucoup d'instruments live à
notre production, mais il arrive aussi que nous nous tenons à
des tracks basés sur l'utilisation de samples. L'ambiance
latine est donc certainement présente, mais n'oublions
pas l'esprit jazz et soul.
L :
Vous vous dirigez donc de plus en plus vers des productions avec
des instruments live?
L.L.V :
On s'entend parfaitement avec nos musiciens, surtout avec ceux
qui ont collaboré sur l'album de Nuyorican Soul comme Luisito
Quintero, qui est un grand percussionniste et qui est également
le directeur musical du groupe d'India. En studio, on expérimente
beaucoup avec lui, on recherche de nouveaux sons, de nouvelles
idées, et je crois que c'est vers cela que nous allons
diriger nos efforts. Par exemple, il va te ramener un tambour
très répandu en Afrique du Sud, mais que personne
n'utilise ici. On l'essaie et l'on utilise sur une de nos plaques.
La preuve est le tambour du "Pienso En Ti" au début
du morceau. Ce tambour sonne différent parce qu'il provient
d'Amérique du Sud.
L:
A quand le prochain Nuyorican Soul ?
L.L.V :
On y travaille en ce moment. On ne sera plus distribué
sur Giant Step pour les Etats-Unis. On trouvera un autre label.
Une fois que ce problème sera réglé, on pourra
se concentrer totalement sur l'album. Le point positif du prochain
album est qu'il y aura davantage de morceaux avec India, six au
total.
La house a évolué très rapidement au cours
de ces deux dernières années. Les sons sont en général
devenus plus durs, plus agressifs. Alors que beaucoup d'artistes
ont bifurqué surcette "nouvelle" voie, MAW est
toujours resté fidèle à son style, à
ses racines...
Une grande partie de ces productions hardhouse n'ont pas cette
profondeur que je retrouve dans les vocaux ou les morceaux qui
comportent de vrais instruments. J'adore écouter des tracks,
mais des tracks qui te donnent un certain feeling et la plupart
des cuts en hardhouse ne m'offre rien de tout cela. Lorsque tu
écoutes tracks après tracks, au bout d'un certain
temps, cela devient monotone. Quant à nos productions,
tu ne sais jamais à quoi t'attendre d'avance, car on expérimente
constamment. Notre musique sortira de toute façon du lot.
On peut produire des morceaux comme "Bangin" qui semble
plaire au public plus jeune, mais on fera toujours des productions
musicales.
L:
Votre façon de produire a-t-elle changé? Je veux
parler de ta complicité avec Kenny?
L.L.V :
On passe plus de temps au studio, en fait, cela dépend
du projet. Parfois, j'ai le premier une idée et Kenny ajoute
par la suite les beats et parfois, c'est l'inverse: c'est lui
qui démarre avec les beats et j'y appose la mélodie.
Les choses n'ont pas vraiment changé, à part le
fait qu'à présent nous dirigeons un label et un
studio. Nous devons ainsi partager notre temps entre le business,
la production et les tournées dans les clubs. Mais, malgré
tout cela, on essaie toujours de se concentrer au maximum sur
notre créativité, sur nos projets, comme l'album
MAW qui, en ce moment, est notre principale priorité. On
doit juste apprendre à gérer notre temps.
L :
Dans une scène house new-yorkaise au bord du gouffre, il
ne reste finalement plus que les soirées Subliminal et
MAW qui proposent encore de la house de qualité. Est-ce
une manière d'affirmer que MAW est là pour sauver
en quelque sorte le mouvement à New York?
L.L.V :
Je crois que tu peux le dire. Je me suis définitivement
dévoué à cette musique depuis longtemps et
lorsqu'il s'agit de la scène new-yorkaise, j'essaie toujours
de me trouver un club pour tenir les gens au courant de ce qu'il
se passe dans la house. Vinyl est l'un des clubs à New
York qui se voue à la house, avec la "Body&Soul"
le dimanche et Timmy Regisford le samedi. Avec Joe Claussell de
Dance Tracks, on a démarré de nouvelles soirées,
"Dance Ritual", dont la première aura lieu le
6 septembre. J'estime avoir besoin d'une personne qui s'occupe
de tout lorsque je suis absent et je pense que Joe est la personne
adéquate. J'aimerais restaurer ma résidence du Sound
Factory Bar du mercredi, alors "Dance Ritual" me donnera
peut-être l'occasion de le réaliser. On a l'intention
de devenir une référence ici et c'est à cela
qu'on s'attelle maintenant. A part les soirées Subliminal
une fois par mois et nos propres soirées de temps à
autre, il ne te reste plus rien. Cela ne tient qu'à nous
de changer tout cela. Si la club scene est sur le déclin,
c'est parce que nous n'avons pas mis assez du nôtre pour
faire en sorte de la sauver.
L:
Tu as travaillé pour les plus grands artistes pop, tels
que Neneh Cherry, Michael et Janet Jackson, Lisa Stansfield, Madonna,
etc... Quelle est l'opinion de ces artistes sur vos remixes de
leurs propres productions? Comment la house est-elle perçue?
L.L.V:
De toute évidence, ils sont très intéressés.
En fait, cela dépend beaucoup de chaque artiste. Parfois,
l'artiste lui-même nous appelle ou alors il demande à
son agent de le faire, et parfois c'est le label qui prend contact
avec nous. Dans le cas de Janet Jackson, elle voulait que l'on
fasse un remix pour elle. Elle a même mentionné lors
d'une interview sur MTV qu'elle avait été très
inspirée par l'album Nuyorican Soul, un de ses disques
préférés était le "Runaway".
Cela montre qu'elle était au courant de ce que nous faisions
et qu'elle voulait travailler avec nous. Luther Vandross nous
a également contactés, car on s'était rencontré
en studio avec BeBe Winans pour "Thank You". Il chantait
et arrangeait les vocaux en background. Tu ne sais jamais qui
tu vas rencontrer et comment. Mais, jusqu'à maintenant,
on a reçu dans l'ensemble de bonnes réponses.
L :
Est-il arrivé que votre version ait plus de succès
que l'original lui-même, comme cela a été
le cas pour "Everything But The Girl" de Todd Terry
ou "Professional Widow" d'Armand?
L.L.V :
Je ne crois pas, non, excepté dans les clubs. Peut-être
la version downtempo de "Thank You" qui a beaucoup passé
à la radio. Par contre, beaucoup de monde a utilisé
nos beats sur ces grands succès. Todd Terry a samplé
les beats de "Love & Happiness" sur "Missing"
d'"Everything But The Girl" et Erick Morillo ceux de
Trey Lorenz "Photograph Of Mary" pour "I Like To
Move It".
L :
Avec le temps, vous êtes devenus plus sélectifs quant
aux choix des remixes. Qu'est-ce qui motive votre décision?
L.L.V :
Plusieurs facteurs. Il peut s'agir d'un hook, d'un refrain, ou
alors j'aime le chanteur, ... Et, si on pense qu'on peut en faire
une bonne Production pour le club, alors on s'investit à
fond
L:
On remarque que vous avez un peu freiné l'allure de vos
productions, en tout cas en ce qui concerne les remixes. Est-ce
pour se concentrer sur une qualité optimale du vinyle et
ainsi d'en faire un mini-événement?
L.L.V :On
sort moins de morceaux pour la simple raison que nous sommes,
soit en train d'écrire pour un artiste, soit en train de
faire un album. Cela dépend de la quantité des projets
que nous recevons et ce que nous faisons d'autre au même
moment, comme la production pour notre label, par exemple. A présent,
nous sommes plus diversifiés. Auparavant, on achevait d'être
un musicien et je pense que tu peux modifier un morceau suivant
la façon dont tu le remixes sur remixes, alors que maintenant,
on produit et écrit pour des artistes et pour MAW Records.
L :
Tu ne travailles exclusivement plus qu'avec Kenny. Est-ce que
tu as encore des projets en solo?
L.L.V :
Je l'ai fait auparavant avec Hardrive, River Ocean et Barbara
Tucker. Si je fais quoique ce soit maintenant, je le sors sur
mon label sous le nom de MAW. Je ne suis pas encore sûr
de ce que je veux faire, donc, depuis Hardrive et les autres,
je n'ai plus fait de production sans Kenny.
L :
MAW Records s'est récemment séparé de Strictly
Rhythm qui s'occupait de la distribution...
L.L.V:
C'est personnel, tu sais. Il arrive parfois que les choses ne
marchent pas comme elles le devraient. Tu dois être fort
et poursuivre... On va donc s'en occuper nous-mêmes, ce
qui évidemment représente davantage de travail,
mais au moins on est content maintenant.
L :
Une plaque que tu retiendrais tout particulièrement sur MAW?
L.L.V :
Ahhh je ne sais pas.... peut-être "Lood", "What
A Sensation"... J'aime beaucoup "The Bounce" aussi.
Je ne les transporte pas toujours dans mes flightcases. Je les
"interchange" parce que je déteste jouer les
mêmes plaques tout le temps. A chaque fois que je vais jouer
dans un club, je passe à peu près quatre heures
de temps dans mes caisses pour choisir les disques que je vais
mixer.
L:
"Little" Louie Vega représente cet extraordinaire
DJ qui jongle avec trois platines avec une aisance redoutable.
Mais tout cela cache-t-il un rude entraînement ou est-ce
juste de la pure improvisation?
L.L.V :
De la pure impro. Je joue en fonction du feeling que j'ai avec
les gens et c'est cela qui m'inspire pour ma sélection
des morceaux. Comme je viens de le dire, je passe énormément
de temps à choisir mes disques à l'avance, en passant
en revue mes vieux vinyles, les classiques, des sound effects...
J'essaie que mon set soit toujours intéressant. Derrière
les platines, j'ai l'impression mixes.
L :
Après les productions et remixes qui sont devenus des classiques
du genre, l'énorme succès de Nuyorican Soul, un
label dont la renommée n'est plus à faire, que te
reste-t-il donc à accomplir?
L.L.V :
On veut faire encore beaucoup
de disques Nuyorican Soul, plus d'albums, dont celui des MAW,
et surtout beaucoup de productions de qualité sur le label
qui est très important pour moi. Le label est ce qui me
garde sur la voie, parce que j'apprécie tout particulièrement
sortir un morceau qui nous plaît et quand cela nous plaît.
Je fais ainsi confiance à mes instincts, et quelle personne
est mieux placée pour le faire qu'un DJ qui tourne dans
le monde entier et qui est au courant des tendances du moment?
Si je sens que j'ai dans les mains une production qui va éclater,
je la sors. Et 9 fois sur 10, ça a marché. Je fais
confiance à Kenny et vice versa. On projette cet autre
album avec des "background singers", dont Kenny Bobien,
Lisa Fisher ou Jocelyn Brown. On a encore le "MAW US All
Star Album", un autre album en gestation avec des artistes
comme Todd Terry, David Morales, Mood II Swing, Roy Davis Jr.,
puis viendra le "MAW International Album" qui fera honneur
à des artistes du monde entier et particulièrement
d'Europe.
L :
Votre prochain set à PARIS
L.L.V :
Je vais mixer à la CHEERS au mois de mai
L : MERCI LITTLE et à bientôt
L.L.V : Merci à vous ,j'ai été
ravi de rencontrer LUST
©2002 LUST PRODUCTIONS